Formation pour médecins et infirmiers, étudiants en médecine

"Prends soin de lui" (Lc 10, 35)

 « Toucher » 9-10 décembre 2023

  • Mme Marie-Laure Veyron, auteure de Le toucher dans les Évangiles, Cerf, 2013

Aborder le texte évangélique par l’étude des sens et du toucher est venu de la conscience d’un écart entre notre société contemporaine - occidentale – pour qui le corps a une telle importance et une proposition souvent “spiritualisante“ ou morale du message évangélique, coupée du vécu charnel de la personne. Religion de l’incarnation d’où le corps semble avoir disparu.

Le toucher qui paraît concerner la surface, - la peau, la main - parle des dimensions les plus profondes de notre être et révèle celui de Jésus : on découvre que ce dernier se laisse toucher autant qu’il touche lui-même.

Toucher du guérisseur bien sûr mais aussi de relation, de compassion. Toucher des hommes et surtout des femmes, ce geste nous dit quelque chose de la très grande liberté de Jésus qui ose laisser parler le langage du corps sans jamais en faire un instrument d’emprise. Une étude qui nous invite peut-être à repenser notre rapport au toucher dans la société d’aujourd’hui

  • Basile Sadek, professeur de philosophie au Studium

De tous les sens, le toucher est à la fois le plus commun _ tous les animaux l’ont en partage, et il est toujours le premier à s’éveiller_ le plus humain_ l’homme a, dans sa nudité, le sens du toucher le plus délicat_ et aussi le plus intime _ il est le seul, avec celui du goût qui l’intègre, à s’exercer sans distance mais par contact.

Qu’est-ce qui se joue dans le sens du toucher ? Que révèle-t-il de notre humanité ? Comment en user pour faire droit au respect et à la dignité de la personne, en particulier dans une relation de soin ? Ce sont les questions que nous aborderons sous les diverses perspectives de l’ontologie (qu’est-ce que c’est ?), de la phénoménologie (qu’est-ce qui se manifeste et comment ?), et de l’éthique (comment agir ?).


 « Regarder » 24-25 février 2024

  • Jean-François Lefebvre, professeur d’Écriture Sainte au Studium

Jésus fixa son regard sur lui et il l'aima" (Mc 10,21). Nous le savons, le regard n'est pas neutre. Il dit quelque chose de notre relation à l'autre. Le regard du professionnel qui scrute pour analyser est-il le seul à habiter nos relations avec les malades ? La Bible s'intéresse souvent au regard: regard de Dieu, regard de l'homme, mais aussi absence de regard. Nous nous mettrons à l'écoute de cette sagesse en nous attardant plus spécialement sur certains textes particulièrement significatifs. Quant au priant, il qualifie de "contemplation" une forme de relation avec Dieu qui s'est simplifiée. Notre regard sur Dieu a-t-il un rapport avec notre regard sur le prochain? Nous tenterons d'explorer cette piste.

  • Eduardo José Calasanz, professeur de philosophie au Studium

L'éthique, déjà par elle-même, est une « optique ».  La pensée d'Emmanuel Levinas ouvre une piste pour faire face à l'Autre en tant qu'Autre.  Regarder autrui est un décentrement, une aventure, une convocation.  L'épiphanie du Visage m'assigne à la responsabilité et à la vulnérabilité jusqu'à la substitution ou la condition d'otage.  Elle est en même temps élection à mon ipséité; je suis Moi (et non pas un moi) en étant pour-autrui.  Cette réflexion philosophique trouve une illustration dans les films Wit de Mike Nichols et La fille inconnue des frères Dardenne. 


 « Écouter » 8-9 juin 2024

  • P. Jean-Louis Guérin-Boutaud, professeur de théologie au Studium

Avec son stéthoscope, le médecin écoute le corps de son patient. Son instrument est comme l’emblème de son art ; il l’aide à entendre ce qui reste caché au simple contact de son toucher, ainsi qu’à sa vue. Certes, il est médecin du corps, mais peut-il isoler ce corps de la personne entière ?

La qualité du diagnostic et du soin requiert au contraire souvent que l’observation soit replacée dans l’histoire personnelle qui a marqué ce corps. Le soignant doit alors être l’expert d’une autre écoute : la personne se dévoile dans un récit. Narration gauche, souvent, imprécise, peut-être, ou partielle. C’est pourtant en écoutant la voix de la personne sur son histoire, sur son trouble, sur ses inquiétudes, que l’on sera guidé jusqu’au point d’unité qui donnera sens à l’observation des symptômes, et qui assurera la fiabilité du diagnostic.

Ce que l’oreille est seule à percevoir se trouve justement au cœur de la Révélation. Dieu, en effet, parle ; pour l’introduire au plus haut de sa connaissance, il appelle l’homme à l’écoute : « Écoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est le Dieu Un » (Dt 6, 4). Cette écoute permet de viser juste pour chercher et atteindre ce qui ne peut être totalement vu ni touché. Ce que l’on ne voit pas est objet de foi, et « la foi naît de l’écoute », dit saint Paul (cf. Rm 10 17). Comment cette compréhension fondamentale de l’écoute peut-elle éclairer la pratique du soignant ?

  • Emmanuel de Saint Aubert, directeur de recherche CNRS à l’École Normale Supérieure

L’écoute d’autrui est fondamentale dans la relation humaine, essentielle aux métiers de l’accompagnement et du soin. Pourtant elle ne va pas de soi. Nous la négligeons souvent, la fuyons parfois, et ses déviations sont nombreuses et insidieuses. Cette attitude à la fois passive et active nous engage à l’intériorité tout en nous sortant de nous-mêmes, elle sollicite notre perception et notre intelligence, notre corps et notre âme. L’écoute mobilise ainsi notre être, son unité et son dynamisme, tout en nous ouvrant à ce qui n’est pas nous. Elle nous ouvre à autrui, à la vérité de ce qu’il vit et de ce qu’il est – ce qui implique d’accueillir mais aussi de dépasser les affects et représentations que l’autre exprime ou fait émerger en nous, de façon à protéger l’empathie de ses multiples pièges et illusions psychologiques. Elle nous ouvre aussi à ce qui nous réunit, nous dépasse et nous porte ensemble, à ce qui fait tiers entre nous – au-delà d’une relation purement duelle, possiblement étouffante et aliénante. Existentielle, cette ouverture est au fondement de toute éthique de la relation.

Emmanuel de Saint Aubert, directeur de recherche CNRS à l’École Normale Supérieure, est engagé depuis 25 ans dans la formation anthropologique des psychologues cliniciens, psychiatres et enseignants spécialisés. Ses recherches sont notamment consacrées à la relation de portance, riche en enjeux éthiques et cliniques.


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