Une visite en lien avec l'Ecriture sainte : LA SYNAGOGUE DE CARPENTRAS

A l’initiative des professeurs d’hébreu et de quelques étudiants, un bon groupe découvre la plus ancienne synagogue de France (1367) encore en activité. 

Le guide, Pascale, membre de la communauté juive – professeur d’anglais au lycée Marie Pila, anime avec verve et compétence les deux heures de visite.  

Un peu d’histoire : les visiteurs sont regroupés dans la plus ancienne des salles du rez-de-chaussée, dite « salle de Jérusalem » – salle du conseil, d’étude et même de repas – autrefois salle de prières. D’aspect moyenâgeux cette grande salle est ornée d’une célèbre fresque réalisée par Raya Sorkine. Il y représente sa propre famille, et au premier plan un homme enveloppé du Talith gadol – grand châle de prière tissé de laine – souffle dans un Chofar, corne de bélier dont l’appel ponctue les grands moments de l’histoire du peuple d’Israël jusqu’à nos jours. 

Pascale expose les raisons de la présence juive à Carpentras ; si les Juifs arrivent en Provence dès le 1er siècle, Philippe Le Bel les expulse de France en 1306. Le pape Clément VI, résidant à Avignon, les accueille sur ses terres dont fait partie le Comtat Venaissin – à Avignon, Carpentras, L’Isle-sur-la Sorgue, Cavaillon. La liberté des Juifs est cependant relative : ils sont contraints de vivre dans des quartiers réservés fermés. Leur activité professionnelle est réduite, ils sont souvent malmenés. A Carpentras, en 1461, un millier de Juifs s’entassent dans la seule rue de la Muse. Les maisons peuvent comporter jusqu’à neuf étages ! 

Un riche patrimoine séculaire :  La guide conduit le groupe par un étroit couloir jusqu’aux deux Mikvés. Ces bains rituels, dont l’un est creusé dans le roc à 10 mètres de profondeur, sont alimentés par une source naturelle coulant sous la synagogue. Cette eau permet aussi le fonctionnement de deux boulangeries situées au rez-de-chaussée. La première comporte un four monumental destiné à cuire le pain de Shabbat et à conserver au chaud les plats préparés la veille de ce jour où toute activité profane est proscrite. L’autre boulangerie, attenante à la salle de Jérusalem, est réservée à la confection des pains azymes – sans levain – consommés pendant la fête de Pessah – commémorant le passage de la Mer Rouge. En Provence les pains azymes, en forme de feuilles d’olivier, sont appelées « coudoles ». 

La salle de prière du 1er étage – un agrandissement datant du XVIIIème siècle : Le groupe gagne le majestueux escalier qui accueille les visiteurs dans le vestibule et donne accès à la salle de prière actuelle. La salle du rez-de-chaussée devenant trop exiguë, Mgr d’Inguimbert, autorise l’extension du bâtiment, à condition que l’architecte ne soit pas juif. Antoine d’Allemand, qui a dirigé la construction de l’aqueduc de Carpentras, est retenu en 1741. Le dôme prévu dominant les églises de la ville, l’évêque fait abaisser l’édifice de 4 mètres. Une seconde tranche de travaux donnera son aspect actuel à la salle de prière. 

La corbeille des kippas : les séminaristes et tous les visiteurs masculins sont invités à poser cette calotte sur leur tête avant de pénétrer dans la salle de prière. Cette Kippa est signe d’humilité et de crainte de Dieu. 

Les objets de culte : Pascale invite les visiteurs à prendre place sur les sièges qu’occupent les fidèles lors des offices de Shabbat ou des jours de fête. Le décor est trompeur car le « marbre » des colonnes n’est en réalité que du bois. Le plafond, sous la voûte, représente un ciel étoilé – une idée des sages de la communauté juive de Carpentras au XVIIIème siècle, à la suite de l’interdiction d’élever un dôme. La guide présente les objets qui ornent la salle, dont le plus célèbre : la Ménorah, candélabre à sept branches, posée près de l’Arche Sainte où sont rangés les rouleaux de la Thorah – copie sur parchemin des textes du Pentateuque. L’Arche Sainte, placée contre le mur orienté vers Jérusalem, est fermée par une tenture rappelant le voile qui séparait le Saint des Saints du reste du Temple. Devant l’Arche est suspendue une lampe perpétuelle, signifiant la Présence éternelle de Dieu. Au centre, face à l’Arche, se trouve la Thébah, grande table surélevée d’où sont menés les offices et lus les rouleaux de la Thora. La place de la Thébah rappelle celle de l’autel dans le Temple. Tout Juif peut être appelé à lire et à commenter la Thora dès lors qu’il a acquis la majorité religieuse, marquée par la Bar-Mitzvah. Pascale fait remarquer un objet insolite : un petit fauteuil de style Louis XVI, de la taille d’un enfant, logé dans une niche en hauteur : c’est celui d’Elie ! D’après la tradition, en effet, le prophète Elie assiste à toutes les circoncisions. Dans toutes les synagogues, la chaise sur laquelle est pratiquée la circoncision est appelée « chaise d’Elie ». Les miniatures ne sont présentes que dans les synagogues du Comtat Venaissin. Aujourd’hui, les circoncisions sont pratiquées dans cette salle par un chirurgien juif. 

Une anecdote savoureuse : Durant la deuxième guerre mondiale, une Juive au caractère bien trempé garde la synagogue. Un jour, un Allemand vient frapper. Elle ouvre et lui claque la porte au nez ! Des voisins la préviennent : les Allemands reviendront. En hâte, avec de l’aide, des cercueils sont montés dans la salle de prière. Les rouleaux de la Thora ainsi que d’autres objets y sont cachés. Les Allemands reviennent… le jour où les cercueils doivent être portés au cimetière. Ils ne peuvent dire mot. Ils ignorent que jamais un cercueil n’est introduit dans une synagogue.

Un guide cultivé, dynamique et modeste : N’hésitez pas à vous inscrire, qui que vous soyez, pour une visite guidée. Si vous êtes trop loin, optez pour la visite virtuelle  :  https://synagoguedecarpentras.fr